L’épilepsie ou quand le cerveau est en surrégime

Eric Mangen Mind the Brain
Eric Mangen

Dans notre cerveau, 100 milliards de neurones forment des connections et communiquent entre eux. En général, cette activité cérébrale est à l’équilibre. Mais si deux régions du cerveau se stimulent l’une l’autre continuellement, elles deviennent hyper-synchronisées et entraînent une crise d’épilepsie. Ce genre de crise peut prendre des formes très diverses selon les régions du cerveau affectées. Chez les personnes épileptiques, ces crises se produisent sans aucune intervention extérieure, mais elles peuvent aussi survenir chez n’importe qui suite à une longue période sans sommeil par exemple ou à une déshydratation sévère. Des traitements médicamenteux permettent de contrôler ces crises chez certains patients, mais ils ont des effets secondaires du fait de leur action sur l’ensemble de l’activité cérébrale. De plus, tous les patients ne répondent pas de la même façon aux médicaments. Pour certains, la chirurgie peut être une autre option thérapeutique.

Les chasseurs de gènes au travail

Au LCSB, nous étudions les origines génétiques de l’épilepsie, en nous concentrant plus particulièrement sur les formes résistantes aux traitements ou très courantes. En collaboration avec des scientifiques et des cliniciens du monde entier, nos chercheurs mènent des analyses génétiques, on parle de « séquençage ADN », chez des familles ou des groupes de patients affectés par la maladie. Comprendre quels sont les gènes touchés permet d’aller au-delà des simples observations cliniques. Grâce à cette information génétique, les patients peuvent être classés dans différents groupes pour lesquels des nouveaux traitements plus adaptés peuvent être développés. Depuis 2009, les scientifiques du LCSB ont été impliqués dans l’identification de plus de 20 gènes liés à l’épilepsie.

Nous menons des analyses pour identifier de cette maladie. Nous nous penchons sur les problèmes responsables de la surexcitation des neurones aux échelles cellulaire et moléculaire. Nous développons des algorithmes afin de reconnaître les signaux d’alerte précoces qui précèdent chaque crise. Toutes ces approches nous donnent une opportunité unique de comprendre les causes de l’épilepsie et de commencer à développer des traitements qui les attaquent à la racine.

Étudier la progression de la maladie au fil du temps

Afin de mettre au point de nouveaux traitements, nos chercheurs travaillent avec des organismes modèles dans lesquels ils peuvent reproduire les symptômes de l’épilepsie et tester les effets de molécules ayant un potentiel thérapeutique. Un de ces organismes modèles est le poisson-zèbre, un petit poisson originaire du Gange en Inde dont 60% des gènes sont similaires à ceux des humains. Cette similarité en fait un bon modèle pour étudier les causes génétiques des maladies. La larve du poisson-zèbre est de plus transparente, ce qui permet d’observer la propagation d’une crise d’épilepsie au microscope grâce à des pigments spéciaux. En enregistrant en même temps l’activité cérébrale avec un électroencéphalogramme, il est possible d’étudier en détail comment la crise commence, se répand au travers du cerveau, puis s’arrête. Nos chercheurs ont utilisé cette méthode pour mieux comprendre le syndrome de Dravet, une forme génétique rare d’encéphalopathie épileptique. Ils ont pu montrer que, chez le poisson-zèbre modèle de cette maladie, des cellules nerveuses bien particulières disparaissent au cours du développement embryonnaire. Ces cellules ont un rôle inhibiteur et en leur absence, le cerveau devient hyperactif, entrainant des crises d’épilepsie.

Nos informaticiens ont aussi un rôle à jouer dans les travaux de recherche sur l’épilepsie. Ils mettent au point des algorithmes d’apprentissage automatique (machine learning) qui peuvent lire les tracés d’électroencéphalogrammes. Ces algorithmes sont capables de détecter à quel moment une crise s’est produite et fournissent des informations permettant de classer les différents types de crise. À terme, l’objectif est d’utiliser ces outils informatiques pour identifier des signaux d’alarme précoces qui permettrait de savoir quand une crise va se produire.

Les chercheurs du LCSB étudient donc l’épilepsie à tous les niveaux : des analyses génétiques aux dysfonctionnements moléculaires, en passant par les problèmes cellulaires responsables de la surexcitation des neurones. Toutes ces approches nous donnent une opportunité unique de comprendre les causes de l’épilepsie et de commencer à développer des traitements qui les attaquent à la racine.